Décembre

Mercredi 3 décembre, 0h50
Une pluie dense depuis lundi soir, sans pause : un dérèglement climatique de plus ou l’anodine conjonction de facteurs favorisant ces précipitations exceptionnelles. Saône et Rhône gardent encore bien leur lit à Lyon, mais cela n’empêche pas la ville d’être détrempée jusqu’au plus fin interstice de l’asphalte.
Hier soir, réunion pédagogique à Forpro. Evocation de l’accord professionnel, signé par tous les syndicats représentatifs, qui remet en cause les contrats de qualification diplômant. Menace éventuelle sur le métier de formateur… A suivre.

Jeudi 4 décembre
Ce soir, nous fêtons nos deux ans d’amour au Gabion, à cinq minutes à pied. Finalement, les chiffres, nombres et dates peuvent aussi se colorer de tendres connotations.
Dieudonné à nouveau embêté parce qu’il ose faire de l’humour sur des sionistes extrémistes de droite, ce qui là n’est pas une vue de l’esprit : ils existent bien ! Marre de cette pression inquisitoriale qui empêche toute démarche critique (et aujourd’hui même humoristique) sous peine de se faire étiqueter d’antisémitisme. Même le parallélisme communisme-nazisme, qui vous valait avant, systématiquement, d’être improprement accusé de fascisme, peut désormais s’écrire, s’éditer et se défendre dans les médias. La zone sioniste, impossible à tourner en dérision, ne peut qu’irriter et attiser davantage les ressentiments.
A voir le calme de l’humoriste face à une grappe surexcitée d’étudiants juifs, le premier les invitant à entrer pour discuter, les second hurlant « Dieudonné antisémite ! » dans un parfait ballet de terrorisme verbal, on n’hésite pas longtemps pour identifier le camp de l’intolérance, du sectarisme et de l’apriorisme revendicateur.

Dimanche 7 décembre, plus de 4h30…
Le cycle de l’endormissement se fait attendre. Deux soirées consécutives à vagabonder dans Lyon pour découvrir les manifestations lumineuses puis à rejoindre un lieu festif et son chanteur ou sa chanteuse de choix : vendredi au bar de la radio avec Gérald et le lendemain au Saint Louis avec Bonny (et Elvis).

Jeudi 11 décembre, 0h15
Le factuel rongerait-il ma plume au point de la rendre insipide ?
Replongée dans l’univers de Tolkien via Peter Jackson, volet I. Les grandes forces du bien et du mal et ses passerelles ambivalentes pour la saveur captatrice.
Ce matin, dernière intervention à Forpro pour 2003. Le rythme professionnel demeure très léger, et les rentrées financières également. Heureusement qu’un revenu de remplacement complète les sources. Toutes mes candidatures spontanées à l’eau ! Ma thèse bazardée ! Mes ambitions littéraires au panier… Allégé et serein, j’entrevois l’avenir dans la douceur partagée avec ma BB, au sein d’un beau nid. Le reste m’indiffère.

Samedi 13 décembre, 0h40
Gentillet troisième volet des Ripoux de Zidi, avec quelques rides bien assumées par Lhermitte et quelques relâchements faciaux au charme jovial du père Noiret. Le petit dernier, Lorant ( ?), tient son rang sans fausse note.
Liselle (accompagnée d’une amie) nous rend visite ce jour pour partager un joyeux moment. Elo connaît une difficile période familiale (tension extrême avec ses parents et une grand-mère maternelle atteinte de paralysie partielle). Eddy et Bonny demeure en forte complicité. Barbara et Jean-Luc consolident leur installation. Joëlle et Charly partagent encore nombre de leurs week-ends. Le relationnel lyonnais ne faiblit donc pas, même si la plume n’approfondit en rien les composantes subtiles des évolutions de rapports.
Quant au reste septentrional, aucun signe, et cela me convient parfaitement. Comme me semble loin cette période vécue pourtant si intensément ! L’impression d’un univers si étranger à moi aujourd’hui, qu’aucune parcelle de regret ne pourrait germer, même en me forçant. Contrairement à mon père qui a toujours conservé une certaine nostalgie de l’aventure humaine partagée avec Heïm, je n’éprouve moi que soulagement à m’être éloigné et indifférence pour leur devenir. Alors pourquoi écrire dessus ? Parce qu’intellectuellement cette transmutation spontanée m’intrigue et que je veux inscrire ma révolution psychologique en rupture extrême avec l’état qui a prévalu pour les dix premières années de la tenue de ce Journal. Les témoignages successifs sur mon ressenti forment une mosaïque littéraire à finalité purgative pour l’esprit.

Dimanche 14 décembre
Nouvelle majeure en ce jour du seigneur : hier soir, l’opération Aube rouge (quel sens poétique chez les militaires !) a permis au responsable des forces armées présentes en Irak de s’écrier « On l’a eu ». S.H. passera son Noël en taule et Bush Jr goûtera avec plus de décontraction les mets proposés. L’extase serait atteinte si les troupes présentes en Afghanistan lui faisaient le présent d’un Ben Laden menotté avec recherche de poux dans la tignasse et la barbe grises par un médecin militaire. Ce doublé créerait la stupeur dans les milieux et arcanes terroristes qui, peut-être, finiraient par se déliter… jusqu’au prochain gros drame mondial.
Laissons de côté ces extrapolations géopolitiques pour ne saluer, en ce week-end historique, que la victoire parachevée des Américains sur le Satan Hussein. Lui, si maniaque pour les questions d’hygiène, a été retrouvé dans un fin fond de cave sordide aux environs de Tikrit, dans sa terre natale, la barbe blanche, les cheveux hirsutes et l’apparence négligée. Quoi de plus normal avec cette traque forcenée… Six cents hommes mobilisés pour cette opération, avec un premier coup raté et, deux heures plus tard, une arrestation en douceur, sans un coup de feu, et un Saddam coopératif lors de l’inspection médicale.
Alors que ces événements cruciaux se déroulaient sur les terres irakiennes, ma contrée lyonnaise entretenait mon insouciance jouissive. Liselle, Line et ma BB pour se régaler au Pique Assiette (saucisson chaud aux lentilles suivi d’une quenelle lyonnaise pour moi), se balader dans le vieux Lyon, monter en funiculaire à la basilique de Fourvière, puis redescendre par les jardins en espaliers avant de rejoindre le bercail via la place Bellecour, la rue de la République et la place des Terreaux. Un apéritif copieux dans mon antre pour achever en joie cette belle journée. Une complicité de tous les instants que je prolonge la nuit au Red Lions avec Eddy et Bonny.
Autant de festivités amicales ne pouvaient qu’être la célébration anticipée, simultanée, puis avant toute divulgation, de l’heureux événement pour le camp occidental, une bonne partie de la population irakienne et quelques dirigeants arabes.


Mardi 16 décembre, 23h30
La morphologie du visage barbu de Saddam Hussein m’a rappelé un visage naguère familier…


Mercredi 17 décembre

Fatigue, quand tu court-circuites la déjà faiblarde inspiration !
Mardi, vers 18h, message de Heïm sur mon portable. Auditivement alcoolisé, quelques rasades de Bison flûté ayant imbibé le désespéré, il m’adresse un discours peu cohérent, mais chargé d’antiennes. La non parution du Gâchis ? C’est maintenant la faute de Karl ! Cela ferait trois mois que Heïm se battrait vainement pour cette parution. Se rend-il compte du ridicule de cette justification ? Depuis quand sa détermination ne peut-elle plus obtenir une tâche professionnelle de son fils ?


Jeudi 18 décembre, 0h15

Mon intérêt pour rendre compte du message délirant semble pour le moins étiolé. Le contenu en vrac n’attire en rien la fibre enthousiaste, mais ferait plutôt remonter des atmosphères fuies. Les quelques photos de la réunion à Rueil, envoyées par courriel à Karl, lui sont tombées sous les yeux fortuitement et l’amène à la déclaration confuse de trouver ma « petite amie magnifique » (attribution à Shue d’un statut imaginaire), de faire allusion à ma mère (évidemment absente à cet endroit), d’évoquer le regret d’avoir payé un avortement (allusion à un sordide événement qu’il aurait géré avec Sally ?) et quelques autres énigmes du même acabit. Seule vraie et terrible information délivrée : le mari de Béatrice (la fille de Maddy chargée de l’intendance du château d’O, lorsqu’elle y était) s’est pendu ! Heïm ajoute qu’il me révélera, si un jour je le revois, le nombre de gens qui, autour de lui, se sont supprimés « derrière leur dégoût ». Voilà en plein la logorrhée verbale à l’œuvre.
Décidément, rien ne va plus dans ma perception du personnage… L’indifférence doit expliquer ma difficulté à rapporter ces propos. Qu’à chacune de ses interventions il m’avance une nouvelle raison à la non-parution du Gâchis confine au comique. Il lui faut bien tenir la promesse faite à mon père que ce Journal ne sera jamais édité. Dérisoire gesticulation épisodique. Je n’en veux pas de son incertaine volonté affichée de me publier. Restons en là, et que mon engagement à ses côtés croupisse à l’endroit adéquat.


Dimanche 21 décembre, 9h

Après mon courriel expéditif à Heïm, le premier du genre, nouvel appel que j’ai volontairement laissé pour ma messagerie. En résumé : il souhaite vraiment que ce Journal paraisse, mais il faut me tourner vers Karl, car lui ne peut plus rien et que le reste de la maisonnée (en clair Monique, son épouse et, peut-être, en seconde ligne, le couple Hermione-Angel) me voue une haine qui fait bloc contre cette parution.
Voilà qui me ravit ! Qu’il est doux d’être détesté par ceux que l’on découvre avec le temps pour ne plus éprouver à leur endroit que mépris et indifférence. Pour Heïm, il reste de l’affection et un intérêt humain qui me poussent à rapporter ses tergiversations plus ou moins alcoolisées, mais ses compagnes monomaniaques, quel terne sujet ! Leur abhorration (si cela est exact) m’est donc d’une douceur infinie…
Je vais donc suivre les conseils de Heïm, pour voir… Me tourner vers mon ami Karl et tenter de donner la dernière impulsion pour la sortie de ce malheureux Journal, dont la tonalité décennale s’éloigne de plus en plus de ce que j’écris aujourd’hui. Peu importe. Comme nous le répétions en cœur avec mon père lors d’une vive discussion avec Jim (et BB secondairement) sur le château, quelles que soient nos critiques actuelles, nous ne rejetons rien de ce qui a été vécu, sinon ce serait se renier un peu soi-même.

Flotte et faible luminosité incitent à rester sous la couette pour ces perverses pensées.
Vendredi soir, je retrouve quelques formateurs de Forpro pour une choucroute à la brasserie Georges. Occasion d’affûter mes arguments pour défendre la politique étrangère des Américains, et ce sans connaître leur dernier coup de maître, tout en diplomatie cette fois, à l’égard de la Libye. Khadafi renonce à toute arme de destruction massive : la trogne hirsute de Saddam a dû accélérer la cogitation de cette autre fripouille sanguinaire.

Mardi 23 décembre
Du sec, du froid, dans les plaines qui défilent, quelques sommets blanchis au loin dans un mouvement beaucoup plus lent, chaque plan du paysage hivernal progresse au rythme de sa distance relative du pur sang Alsthom, grand metteur en mobilité de cette nature domestiquée. Le Cdivers XII m’entraîne, lui aussi, vers des contrées changeantes, mais d’ordre musical : Sting, Alanis Morissette, Buena Vista Social Club, Björk… La tournée des fêtes s’amorce sous de bons auspices.

Mercredi 24 décembre
11h30. Quelques travaux conséquents réalisés par Jean dans la grande pièce chauffée par un feu de cheminée à notre arrivée (Jim et Aurélia s’étant joints à la dernière étape de notre voyage). Puisque le diariste se distingue par la spontanéité sans fard, je dois confier préférer l’ambiance bon enfant de Saint-Crépin à l’atmosphère parfois crispée (bien que toujours basée sur l’accueil convivial) de Rueil. Pas un problème d’importance affective, mais du ressenti de situations accumulées et d’adéquation de caractères multiples. L’espace de vie doit aussi constituer un facteur favorable au pôle maternel : du volume pour évoluer, des chambres pour chaque couple. Encore une fois, nulle intention de hiérarchiser les liens familiaux, mais de faire-part d’un impact différent des cadres et des gens côtoyés.
Revel mettant au jour les arcanes inavoués des systèmes philosophiques qui se sont succédés au fil de l’histoire humaine, voilà de l’ardu captivant. Pourquoi des philosophes ?, essai polémique paru en 1957, conforte mon enclin littéraire pour cet esprit à la fois alerte, profond et insoumis aux pensées ambiantes. Son démontage, point par point, de l’approche lacaniste de la psychanalyse freudienne m’a remémoré la seule image de Lacan. Lors d’une conférence devant une assemblée d’étudiants, un barbu-chevelu s’invite sur l’estrade et, bousculant un peu l’esprit fort, inonde et recouvre les notes étalées sur la table de liquides et détritus variés. A Lacan qui, très calme, lui demande de s’exprimer aussi par la voie plus intelligible de la parole, l’hirsute soixante-huitard improvise la légitimation de son coup de force et quelques revendications plus ou moins absconses. Image sympathique de l’exégète de Freud aujourd’hui largement ternie par la cristallisation revellienne de ses approximations intellectuelles pour servir la pseudo cohérence de son système d’approche du freudisme.

Vendredi 26 décembre
Le ferroviaire à nouveau pour rejoindre les terres nantaises, en prévision de la troisième réunion familiale, versant B.
Bilan festif, entre deux rails : de la bonne boustifaille en proportion pantagruélique, bœufs musicaux portés sur le vacarme rythmique et Loto avec animations délirantes filmées pour partie chez maman ; confrontation réchauffante au ping-pong et rallyes à toute berzingue à travers les paysages de Grèce, de Monaco et d’Argentine via la console de jeux Sony chez papa.
Projet d’agrandissement de la maisonnette de Rueil avec création d’un vrai premier étage par le surélévation du toit et l’extension de l’immeuble sur l’arrière pour augmenter la surface de la pièce principale et créer une terrasse. La demande de permis de construire vient d’être déposée dans l’urgence pour cause de prochain P.O.S. plus restrictif qui hypothéquerait l’élévation de la hauteur du bien. Si le tout se réalise, l’adorable maison de poupée deviendra un nid très confortable pour ses hôtes. De quoi supprimer la promiscuité et contredire une partie de mes réflexions du 24 courant.
Alex et Raph poussent toujours, et les caractères s’affirment.

Samedi 27 décembre
Sans nouvelle du monde, nous apprenons sur la route, vers la gare de Méru, le tremblement de terre qui a secoué le sud de l’Iran, vers Bam. Le premier bilan avancé, dix mille morts, s’enfle au double ce matin dans Ouest France. Ma première pensée va à Shue et à sa famille qui vit encore là-bas. Je lui adresse un texto : « Mes plus affectives pensées après le drame arrivé dans ton pays natal. Biz de nous 2 ». Puis je songe à tous ces religieux qui continuent de croire à une force intelligente supérieure. Pourquoi avoir frappé ce coin pauvre, chargé de trésors archéologiques réduits en poussières ? Les infidèles ont eux repris deux fois de la dinde ! C’est la position du laisser-faire rétorquent les croyants : l’être humain est responsable de sa destinée (et du jeu mortifère des plaques terrestres bien sûr). Il est vrai que la cause de l’hécatombe se trouve non dans l’agitation du sol, mais dans le type d’habitations édifiées. N’avaient qu’à se payer des demeures à fondements anti-sismiques ou vivre dans des cahutes légères qui ne tuent pas en s’écroulant ! Argument pas plus cynique que ceux des monomaniaques de la foi. Si, effectivement, le dieu n’a de sens que pour laisser l’homme se dépatouiller tout seul, aucune raison ne justifie de croire en lui, si ce n’est la perte de temps pour vivre plus densément le temps imparti.

Dimanche 28 décembre
La fin d’année approche au Cellier. Hier soir, sortie avec Louise (ma BB ne se sentant pas très bien) pour retrouver, dans un pub nantais, François et son amie Emma. Au cours du trajet, j’expose les raisons qui m’ont décidé à abandonner ma thèse sur Léautaud. Avant tout, une absence, de plus en plus ancrée, d’ambition. Et puis, en vrac, mon allergie au secteur public (sauf le domaine universitaire et là, seule une inatteignable agrégation me servirait), l’inutilité de ce diplôme dans ma position professionnelle, les petits accrocs avec celui faisant office de directeur de thèse, à propos de mon style, et une démotivation générale. La priorité des années à venir : assumer l’éventuel bambin à venir. Ce sujet fait d’ailleurs l’objet, de la part de la famille B, d’une gentille pression pour que je ne m’arrête pas à l’unité. Je n’en démordrai pas : il n’en est tout simplement pas question. Seul l’accident de jumeaux m’obligerait à cumuler les progénitures. Si ma fibre paternelle m’avait tenaillé, je m’y serais pris beaucoup plus tôt. J’envisageais très sereinement une existence sans descendance et mon acceptation de concevoir UN enfant n’est que le couronnement d’un amour et non la finalité de la reproduction en elle-même. Aller au-delà de l’unité risquerait d’entacher l’épanouissement fragile trouvé dans cette dualité.

Lundi 29 décembre, 0h15
La galerie humaine offre parfois, dans une même journée, des contrastes abyssaux.
Ce midi, alors que nous nous apprêtions à entamer l’apéritif, la sonnette d’entrée dérange la sérénité harmonieuse de la réunion. Une accointance des parents B à la recherche d’un Ave Maria. En possession d’une interprétation de ce morceau par Joan Baez, la mère B invite ce monsieur V. à l’étage pour partager un verre avec nous. Dès la poignée de main échangée, j’ai senti que pas la moindre parcelle de complicité, ni l’ombre d’une once de sympathie ne pouvait germer avec ce bougre : une verbalisation bruyante et sans intérêt, une volonté de placer quelques mots ou répliques au sens de la répartie plus qu’émoussé, une inconscience de soi rendant impossible toute amorce de dialogue raisonné, un rapport à l’autre fondé sur le rabaissement d’autrui pour mieux gonfler sa propre médiocrité… Le summum est atteint lorsqu’il nous révèle les surnoms donnés à ses enfants (aujourd’hui dans la vie active) : « pétasse » pour l’aînée, « pétassine » pour la cadette et « pétassou » pour le benjamin ! Quelle magnifique preuve d’affection. Archétype de la grande gueule vieillissante, baudruche sonore à éviter au plus vite.
Ne voulant pas mettre les B dans l’embarras, j’ai limité la charge de mes attaques à quelques remarques légèrement cyniques, juste pour marquer mon détachement de sa lourde prestation.
Au moment de son départ, ayant sans doute ressenti mon hostilité, il me tend une main à regret en ajoutant « à vous je ne vous dis pas au plaisir ». Ce qui ne m’inspire rien d’autre qu’un « au revoir et à jamais ! ».
14h. Le soir, dîner chez une Nathalie, retrouvailles pour BB d’une copine d’études d’infirmière, et son mari Philippe. Aux antipodes du braillard précité, ils permettent une soirée agréable. Je décèle même des affinités intellectuelles avec le mari aussi peu séduit que moi par l’univers automobile et ayant passé à contrecoeur et tardivement son permis.
Le penchant cyclothymique n’a pas disparu : je traverse toujours des phases de morosité sans cause déterminée. Le vague à l’âme ternit des moments d’existence et tout ce qui m’entoure perd sa saveur habituelle.
23h35. De retour de chez Laure et Daniel. Leur petite Lina vit sereinement ses premiers mois de bébé, alors que ses parents cumulent les angoisses financières. Leur affaire, pourtant en progression de 20% sur un an pour le volume d’activité, ne peut toujours pas leur dégager un salaire décent. En écoutant Daniel me détailler ses mésaventures avec son banquier, je me retrouvais dans mes affres passées de chef d’entreprise. Ô combien je n’étais pas fait pour ce statut. Du petit commerçant au gérant de PME, le combat quotidien avec les administrations publiques et les banquiers monopolise un temps précieux dont l’activité principale est privée.


Mardi 30 décembre, 23h
Pour finir l’année, rien ne vaut une bonne confirmation de ses certitudes. Dès notre arrivée à Lyon, je vais consulter mes nouveaux courriels. Parmi eux, un de Heïm dont la méprisable tonalité m’a poussé à l’effacer sans l’imprimer, tellement écoeuré par la tournure d’esprit malfaisante.
Il m’offre un petit tour d’horizon des échecs de ceux qui se sont éloignés de son univers : les Béatrice, Alice, Hubert, Maddy et Sally comme autant de confortation dans ce qu’il avait prévu pour chacun, comme autant de petites merdes rendant plus brillant son parcours. Le discours à la Pomponnette, me visant indirectement comme l’un des « ratés », s’impose en caricature.
Ce racleur d’informations, qu’il tourne à sa sauce pour maquiller sa propre déchéance, me donne la nausée. Il a dû bien gratter Karl et Sally, pour en savoir un maximum sur mon actualité professionnelle et sentimentale, le tout l’autorisant à ce dégueulis indirect sur mon compte. Et bien je l’emmerde le vieil alcoolo ! Et je ne veux plus entendre parler de son projet éditorial de merde ! Et qu’il ne dérange plus ma douce et tendre existence avec ces remugles d’une préhistoire de vie.
Ce qui le dérange dans la publication du Gâchis ? Que je malmène, vers la fin, un banquier de la Caisse d’épargne qui tardait à débloquer un prêt pour la SCI et qui, aujourd’hui, est tout amour et aurait permis de sauver la situation de cette structure et des finances du château, pour laquelle le feu patriarche n’était aucunement responsable ! Bien sûr, bouse et trahison ne sont les pratiques que des autres. Si ce n’est pas le modèle le plus détestable de l’opportunisme affectif et social… qu’est-ce ? A l’époque, il se contentait très bien que je m’occupe de ce dossier, et les retards existaient objectivement. Au prisme d’aujourd’hui, cela ne compte plus, et mieux : cela n’a jamais existé. Le révisionnisme malhonnête et permanent de son histoire ne pourra que laisser perplexe ceux qui voudront, sans parti-pris préalable, étudier l’être dans sa globalité. Tout ce qu’il souhaite, c’est que je renonce moi-même à ce projet d’édition, le dispensant de renier sa parole, ou que j’accepte de repasser sous ses délires pseudo purgatifs. Il a gagné pour l’option première : je ne veux plus du Gâchis sans A l’aune de soi qui contrebalance la vision. Cela ne se fera donc jamais du vivant de Heïm. Je n’ai pas envie de lui offrir ce dernier plaisir ! Je cultiverai jusqu’au bout l’apparente distance affective, pour mieux noter ici mon rejet grandissant. Berner un manipulateur ne peut soulever l’indignation.


Mercredi 31 décembre, 18h30
Je m’apprête à rejoindre l’auberge des Tours avec ma BB et Liselle. Eddy, Bonny et Gérald doivent nous y attendre pour une soirée chaleureuse et en mélodies dansantes. Voilà qui me retient à Lyon sans retour possible. L’année 2004 initie la construction avec ma dulcinée… Perspective idéale.

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