Avril

Jeudi 3 avril
23h30. La bataille de Bagdad connaît ses prémices via l’aéroport. Les jours passant, cette guerre égrène ses tueries massives, ses bavures effroyables dans une opacité variable. Rien n’arrêtera plus l’écrasante supériorité anglo-américaine. Certes la guerre éclair technologique n’a pas eu lieu, mais les coups de boutoir aériens portés contre les forces irakiennes s’avéreront décisifs.

Vendredi 4 avril
Semaine chargée en enseignements barbants. Le public des BEP au BTS m’irrite et me navre de plus en plus par la couenne en double couches que la plupart trimballent en lieu et place de cortex. De moins en moins de parcelle d’intérêt pour cette occupation. Ecrire sur le sujet ne peut me catalyser bien longtemps. Je laisse s’écouler les semaines sans aucune accroche pour ce métier. Je me sens toujours dans le provisoire. Exit donc ces apartés professionnels.

Samedi 5 avril, à peu de minuit
L’angoisse du Bagdadi, et des autres civils irakiens, ne peut être imaginé dans son intensité. La menace permanente doit influer sur l’état dégradé de santé. Comme notre confort est précaire !

Dimanche 6 avril
La propagande du régime irakien atteint le surréalisme avec la menace grandissante d’anéantissement. On pouvait ainsi entendre le ministre de l’information assurer que les troupes américaines avaient été boutées hors de l’aéroport international Saddam et que ces dernières avaient profité d’un retrait des forces irakiennes pour revenir filmer et servir ainsi la propagande ennemie. Le délire argumentatif s’accroît donc…
Plusieurs appels aujourd’hui : Shue qui, suite à la regrettable omission d’envoyer un exemplaire de la thèse à son directeur furieux de cet oubli, a besoin d’une aide rédactionnelle pour un courriel d’excuse. Elo m’apprend le gros mensonge de Jérôme : il avait bien couché avec son ex le fameux soir de son accueil chez lui de la demoiselle. Depuis un mois, il sort avec elle et se mure dans le silence, ce qui peut s’expliquer par une certaine honte. De mon côté, je ne tenterai aucune démarche d’approche. Aucune envie et aucun intérêt pour moi.
Dernière manifestation téléphonique : la joyeuse Aurélie qui devrait nous rendre visite, avec Liselle, le week-end de Pâques, dans quinze jours. Un grand plaisir de retrouver ces deux jeunes femmes. Liselle semble, d’après Aurélie, avoir apprécié ma persévérance à conserver ce lien amical, malgré les silences renouvelés.

Mardi 8 avril, bientôt minuit
Ce soir, encore une réunion pédagogique pour le suivi de formation des auditeurs. Je n’ai vraiment pas l’état d’esprit du salariat revendicatif et critique, par en dessous, des employeurs. Cela me répugne même d’avoir à entendre leurs pics vaseux. Je sais trop ce que représente d’angoisse et de combats constants le fait d’être en charge d’une PME.
Une partie de l’équipe pédagogique de vautre dans cette pitoyable performance consistant à critiquer ceux qui vous emploient. Aucun intérêt pour moi de rentrer dans ces enfantillages dialectiques. Si j’ai à défendre quelque chose, je le ferai seul et sans chercher ces complicités de parade. Voilà qui m’incite à demeurer très individualiste dans la sphère professionnelle.

Mercredi 9 avril
20h. La guerre en Irak touche à sa fin. La bataille de Bagdad ressemble fort à une déliquescence des forces irakiennes. La liesse des Bagdadis devrait, j’espère, calmer les anti-américains. Malheureusement, le comportement populacier rappelle la connerie humaine fondamentale et que la loi du plus fort est toujours la meilleure.

Le déboulonnage des statuts de Saddam, les Irakiens crachant, piétinant et insultant les portraits du dictateur, devraient retourner les peuples arabes. Il faudra qu’un certain nombre de dirigeants et de populations anti-guerre reconnaissent s’être trompés et que la mauvaise foi cesse.
23h30. Profil bas devrait s’imposer aux dirigeants politiques qui redoutaient un embrasement général, voire un inextricable embourbement des Anglo-américains. Certes bavures, dommages collatéraux et dégommages injustes ont atteint les civils : cela ne pèse pourtant pas lourd face aux presque trente cinq ans de terreur. Le sommet des anti-guerres à Saint-Pétersbourg avec Chirac, Schröder et Poutine apparaît aujourd’hui, s’il est maintenu, totalement déplacé et dérisoire. Mea culpa des quelques délires aberrés que ces pages portent : le conditionnement socio médiatique influe puissamment sur les consciences.
Ce jour, sous de plus ludiques auspices, découverte du cadeau collectif (parents, moi et François) pour BB : un VTC d’esthétisme sobre.
Ce mois, des week-ends chargés en visites : le prochain mon père et sa petite famille font une halte à Lyon pour une nuit. Le suivant Aurélia et Liselle seront réunis à Lyon pour des moments pétaradants comme au bon temps de Royan ; et le dernier d’avril, Marie et sa sœur découvriront les beautés mystiques de la région.

Samedi 12 avril
Spectacle édifiant des pillages qui confirme bien la nature abjecte de l’humanité. Que ce peuple s’en prenne aux bâtiments publics se comprend, certes, mais en profiter pour s’attaquer au domaine privé et dévaliser le contenu amènerait à regretter la poigne de fer du Saddam introuvable.
Hier soir, très agréable et sonore soirée au bar de la radio, cours Gambetta, avec Gérald à la voix, Eddy et accointances (dont Rita de Forpro) pour le relationnel, quelques cordes vocales de passage (dont les miennes) au micro, et même le passage de quatre auditrices de Forpro qui passent leur BTS cette année. Moments joyeux à renouveler le 16 mai.

Dimanche 13 avril, 23h40
Affective réunion pour le passage de mon père, Anna et leurs deux bouts d’chou.
Découverte de ma ville d’ancrage sous un bleu printanier. La gourmandise honorée avec le réputé bouchon lyonnais Le Pique Assiette le samedi soir, puis détente au soleil via les parfums enchanteurs du glacier Nardone ce midi avant leur départ pour Courchevel. Des préliminaires de vacances de Pâques qu’ils ont bien appréciés.
Côté découvertes : le parc de la tête d’Or, la basilique de Fourvière et son panoramique point de vue, descente par les allées verdoyantes vers le vieux Lyon, retour par la place des Terreaux et détour par mon lieu professionnel…
Mon père a bien apprécié le calme de cette ville qui a fait pour beaucoup mon attachement : ni l’entassement parisien, ni l’exubérance marseillaise, Lyon la réservée. La plus belle des séductions ne se fait-elle pas dans la retenue ?
Dans un état beaucoup moins enviable, les villes d’Irak n’en finissent pas de subir les assauts minables des pilleurs. Difficile de reprocher aux troupes anglo-américaines de ne pas faire respecter l’ordre alors que la guerre n’est pas encore achevée (Tikrit résiste encore, mais plus pour très longtemps). Facile, en revanche, de souligner l’absence totale d’éthique, de responsabilisation moralisée chez beaucoup de congénères sitôt des conditions anarchiques à portée. Et ne croyons pas que nos pays occidentaux y échapperaient si le terrain favorable aux comportements débridés s’offrait.

Jeudi 17 avril
Si les Anglo-Américains ont magistralement mené leur guerre éclair, l’enlisement risque de ternir la phase de rétablissement de l’ordre et des services publics. La gestion d’un Irak à reconstruire ajoutée au coût global de la guerre devrait avoisiner les deux cent milliards de dollars alors que le revenu annuel de la vente du pétrole irakien ne s’élève, au meilleur débit, qu’à dix-huit de ces mêmes milliards. Les pays européens qui n’ont pas versé le prix du sang devraient aligner quelques biffetons pour être pardonnés par le grand allié.
A voir, hier, la guerre secrète entre la CIA et le FBI, on est pris de dégoûts en chaîne. Ces services qui devraient travailler de façon complémentaire et qui sabotent les indices qui auraient pu faire éviter les cataclysmes comme le 11 septembre…
A cela s’ajoute le rapport avec le président en place qui peut atteindre le rejet total comme le fit, criminellement, Clinton qui ne tînt aucun compte d’alertes graves. Au regard de l’histoire, il faudrait replacer certains personnages à leur juste valeur ou à leur médiocrité consubstantielle.

Vendredi 18 avril
Appel d’Elo cette semaine pour m’informer des derniers rebondissements de la chronique jérômiesque. A la fête du centenaire du lycée Belmont, à Lyon, il s’est montré plus exécrable et ambigu que jamais. Quel gâchis cette histoire avortée, même si le sympathique Ivan a comblé le vide sentimental. En regardant l’agrandissement de nous cinq (les deux couples et Shaïna) à la Saint Sylvestre, un pincement au cœur s’est imposé. Comment une si vive complicité a-t-elle pu tourner aussi vite en eau de boudin ? Dérisoires lamentations face aux drames mondiaux, mais la proximité affective justifie toutes les focalisations littéraires. Notre amitié affective avec Elo aura survécu, et c’est pour moi l’essentiel.

Samedi 19 avril
7h30. Un réveil tendrement charnel avec ma BB ennoblit ce début de matinée ; le début d’après-midi accueillera les joyeuses
Aurélie et Liselle (et peut-être une copine, C.). Elles demeurent en place d’honneur dans les moments les plus festifs de mon existence. Le quatuor royannais pour quelques jours de vacances aoûtienne, avec ce cher Karl qui manquera au tableau lyonnais de ce week-end, fonctionnait dans une pétillante symbiose séductrice. Nous avions trouvé là, par le hasard d’une boîte et la volonté empressée de Karl, les plus idéales complices que nous pouvions espérer.
Les désirs se transmuaient en débordements verbaux allusifs, ce qui évita que cette réunion ne se marquât (couronnement ou délitement ?) de coucheries à partenaires variables. Seul le temps trop court assombrit un peu la fin, mais avec sa perspective comme donnée préalable, il participa certainement à densifier les instants partagés.
Autre registre d’émotions, hier après-midi, lors du test de quatre heures sur une synthèse de documents des BTS 2002-2004. ayant imposé l’éparpillement des auditeurs selon le scolaire principe du un-par-table, je me retrouve avec juste face à moi, à moins d’un mètre, avec l’une des plus mignonnes du groupe, une certaine Diane R. Blonde au visage d’une beauté impeccable, elle me rappelait Kate dans sa manière d’être et ses mimiques expressives. La fragrance qui me parvenait lors de certains de ses gestes, les rares effleurements de pied (toujours de son fait !) suivis d’excuses, les regards plus ou moins appuyés pour la concentration, les sourires magnifiques accordés, tous ces écarts entretenaient, malgré moi, un trouble délicieux.
Hier soir, idée de plonger un instant dans le Voyage de Céline, lu beaucoup plus jeune. Accroche immédiate, je vais m’accorder cette digression littéraire avant de revenir à Léautaud. Tous ces livres dont la lecture me manque… que la fuite du temps détruit nos espérances.

Mardi 22 avril, à bientôt minuit
Un sain colletage avec le groupe des Bac pro du matin que j’ai en français : ces incompétences crasses prêts à critiquer l’organisme de formation n’ont pas une once d’autocritique. Leur existence résumée à une insignifiante traçouillette merdeuse ne les dissuade pas de s’ériger en petits juges minables. A trop accorder de libertés, notre système produit des lavettes revendicatrices et incommodantes.
Ma mise au point de ce matin a pu éclaircir ma détermination à ne rien laisser passer qui pourrait faire croire à de la complaisance quant à leur comportement et à leurs jugements dérisoires. Je suis, par apriorisme, un ennemi de l’espèce humaine confirmé chaque jour par la justification de cette posture. C’est vraiment un public pédagogique de merde que ces auditeurs à renvoyer à leur petite envergure existentielle. L’enseignement à ce type d’humanoïdes aura eu le mérite de me conforter dans mes méfiances misanthropiques pour les groupes.
La vie offre heureusement d’autres êtres d’une épaisseur, d’une qualité et d’un talent incomparables, à des univers de ces ratouillets en formation par alternance. Côté scène, le crépuscule a emporté la
divine Nina Simone, mais l’éternité humaine captera ses sons et modulations pour notre plus grand bonheur. Côté débutants prometteurs, la première représentation du Corps à corps, écrits et mis en scène par Judith L., a révélé des comédiens magistraux, jouant de leur corps (souvent nu) et de leur voix dans un ballet troublant.
L’Irak laisse s’exprimer les chiites, tous persécutés sous l’ex successeur de lui-même. Dorénavant, c’est la république islamiste qui menace. Les Américains vont devoir surveiller tous ces fanatiques.

Mercredi 23 avril, minuit proche
Sans excuser les atrocités sanguinaires de Saddam, on peut comprendre le choix du répressif impitoyable pour étouffer les dérives islamistes de Chiites. Le laissez-faire américain à Kerbala risque d’engendrer la naissance d’une nouvelle plaque tournante pour les fous de dieu. Cette régression annoncée de la société, et en premier lieu pour les femmes, ne provoque aucune manifestation de condamnation dans le monde, et notamment chez tous ces occidentaux déchaînés dès qu’il s’agit de vilipender les pratiques américaines. Le noyautage clandestin des mouvements religieux par des iraniens très mal intentionnés, défendant une société à la taliban, ne soulève aucune protestation des si impartiaux pacifistes.
Et qu’on ne leur demande surtout pas de s’expliquer sur l’incohérence manifeste de leur réactivité à deux mesures, ils nous accuseraient illico d’être à la solde de l’oncle Sam...

Samedi 26 avril
Petite pause dans la correction des quelques lamentables copies ramenées de Forpro. Le gros de l’espèce humaine n’a d’attrait ni pour son fond barbare prêt à s’exacerber au moindre lâchage de bride, ni pour sa vertigineuse inculture affadie d’amnésie. Une platitude ennuyeuse alliée à une dangereuse animalité (cf. les automobilistes) : voilà le tableau désespérant de l’humanité du XXIe siècle, dans le droit fil du XXe, avec un retour en force des religieux de tous dieux comme substitut pernicieux aux idéologies totalitaires. Démocraties permissives contre rigidités pseudo mystiques, voilà le pitoyable duel d’arrière garde que les décennies nous réservent. Pas encore pour ce siècle notre évolution morale.
Me voilà m’improvisant prophète comme dirait la pieuse Marie arrivée vendredi soir avec sa sœur et son frère. Nouvelle bombance au Pique Assiette de la rue de la Baleine : très agréable et bavarde soirée jalonnée de la lecture d’extraits du Gâchis et d’une lettre de Marie adressée à son futur ex compagnon de route et mari… Je découvre les rapports affectifs, mais parfois un peu tendus, entre Marie et ses collatéraux qui n’hésitent pas à critiquer ses délires interprétatifs ou l’absurde acharnement à vouloir envisager une histoire sentimentalo-transcendantalo-mystique avec cet esbroufeur de première classe. Marie ne cache d’ailleurs pas l’escroquerie intellectuelle du jeune homme qui, sept ans avant, lui adressait une déclaration enflammée d’un amour absolu pour, trois semaines plus tard, la prévenir par une télécopie lapidaire qu’il se mariait. On fait difficilement plus goujat ! Esprits très vifs de la belle et sculpturale sœur et du sympathique frère aux yeux d’un bleu éclatant, tous deux loin des déviances fantasques de leur aînée. Dommage que
cette jeune femme s’entête jusqu’au gâchis d’années entières à attendre l’inspiration divine et l’improbable révélation sentimentale côté réchauffé.

Dimanche 27 avril
Hier soir, au Red Lion’s, une Marie transfigurée et renouant avec le penchant de ses jeunes années : dans les transes de la danse, elle semble mettre un moment en réserve la rigidité apparente de sa posture intellectuelle. Très attachante dans cette détente provisoire.
Ma BB a passé quelques moments avec nous pour le repas à domicile.
Départ du trio suisse et un grand plaisir d’avoir pu les accueillir. A noter la tension sous-jacente qui perle parfois dans l’attitude des deux collatéraux à l’égard de leur grande sœur. Il semble que sa trajectoire existentielle et son jusqu’au boutisme religieux n’épousent pas leur teneur affective. Les réunions doivent demeurer exceptionnelles.
Dernière semaine épuisante en son début pour une détente festive à partir du premier mai et de l’arrivée de Louise et François et, d’une façon plus hypothétique, d’Aude et Mylène. Les réceptions se succèdent mais n’altèrent en rien la qualité des entrevues. Ces échanges privilégiés, loin du grégarisme bêtifiant, me réconcilient avec l’humanité. L’univers affectivo-amical que l’on entretient s’avère primordial pour extraire de l’existence quelques parenthèses favorables.

Lundi 28 avril, avant minuit
De Saint-Etienne à Lyon pour le pro. A la fin du cours du CR BEP, réunion improvisée des formateurs et des responsables administratifs. Mesdames V. et L. nous apprennent que le mari de J.S., la troisième associée, responsable du secteur commercial, vient de mourir d’un cancer à 53 ans. Une collecte est proposée pour qu’une gerbe de fleurs, au nom du personnel administratif et de l’équipe pédagogique, soit déposée à l’enterrement ce mercredi. J’y suis bien évidemment allé de ma contribution, avec une réelle peine pour cette fin brutale.

Ce cher Antoine Sfeir, habitué de l’émission C dans l’air d’Yves Calvi, a encore une fois nourri l’intelligence par ses analyses limpides et solides.

Aucun commentaire: